A moins d'habiter dans un cabanon au fin fond de la Creuse, tout le monde a forcément des voisins. Et les voisins, ça fait forcément des histoires. Tout le monde a un voisin gronchon dans le coin. Ou une commère qui voit toujours ce qu'il se passe derrière ses rideaux. Et parfois, les histoires semblent particulièrement incroyables. Dans ces cas là, on se demande forcément si on souhaite vivre une histoire aussi rocambolesque ou bien si on souhaite être épargné. Mais évidemment, quand ça arrive, on ne choisit ses voisins.
Il y a quelques années, nos voisins se sont faits remarquer en laissant un jeune chiot seul chez eux pendant une journée. Mais voilà. La journée était fériée. Tout le monde a profité des aboiements désespérés de l'animal. Tout le monde a donc eu l'occasion de se poser la question : à partir de quand pouvions nous faire appel à la SPA ? Finalement, tant que le chien aboyait toujours, on s'est dit qu'il n'y avait pas encore mort de chien...
Enfin, c'est suite à cet incident malheureux et des couches de post it qui s'empilaient sur leur porte, qu'on a su que la voisine au chien n'était pas la voisine que nous avions croisé à notre installation il y a quelques années... Première nouvelle. Quand avaient ils emménagés ? Je sais que je suis un peu décalée parfois, mais le transbahutage d'un appartement entier, avec le lit, les meubles et la machine à laver, ça se voit quand même, non ?
Finalement, j'avais peut être une explication. C'était pas tout à fait de nouveaux voisins. La nouvelle propriétaire est la fille de la personne que nous avions rencontré à notre installation. On reste donc dans la famille. Mais on croisait la mère régulièrement dans le quartier. Elle n'était donc pas partie très loin.
Effectivement, elle était même toute proche. Un soir qu'on rentrait tard, voilà qu'on la croise, tout sourire et toute confuse, armée d'un serrurier qui, lui même équipé de son attirail complet : marteau, burin, meuleuse, perceuse s'acharnait, au milieu de la nuit à forcer la serrure de la porte. Elle aurait oublié les clés à l'intérieur. Le serrurier essaie d'entrer au pied de biche mais la porte est blindée et ne cède pas. Il tente alors de faire céder la serrure avec une perceuse. Une perceuse, dans un canon en acier au milieu de la nuit. Et la serrure ne cède pas. C'est un nouvel échec. Ils envisagent alors de passer en cassant une fenêtre si seulement ils pouvaient avoir une échelle. Le calme retombe. Ont-ils trouvé un voisin disposé à prêter une échelle ? Sont-ils entrés finalement ?
Au lendemain, on ne trouve personne. La porte est obstinément close. La serrure est détruite. Le verrou a sauté. Le gardien va nous apprendre qu'elle a tenté de forcer la porte pendant l'absence de sa fille. Nous voilà bien... La porte outragée reste comme ça pendant plusieurs jours. Je ne peux m'empêcher de me demander où est la propriétaire, le sait-elle seulement ? A-t-elle été prévenue ?
La mère avait le double des clés de l'appartement. Sa fille, excédée par sa mère qui n'aurait pas hésité à s'introduire régulièrement chez elle en son absence pour... arrondir ses fins de mois, a fini par changer les serrures et verrous. Voilà pourquoi, la mère qui avait voulu venir profiter un peu de l'appartement en l'absence de sa fille, a trouvé porte close. Au lieu de repartir discrètement, elle a décidé de pousser sa détermination jusqu'au bout.
Quelques semaines après l'incident du serrurier, des bruits circulent. La fille, incapable de gérer sa mère - et franchement, je ne saurais moi même comment gérer une telle situation si cela avait été la mienne - envisagerait de revendre. Mais encore une fois, pas de déménagement notable. Finalement, on entend de nouveau des bruits de vie derrière la porte. Il y a des gens. De la vie. Alors qu'on les croise, on réalise que les visages sont inconnus. Nouvelles têtes. Ce ne sont ni la mère, ni la fille.
Aucun incident ne sera à déplorer après cette rencontre. Le nom sur la boîte aux lettres est toujours celui de la mère. De temps en temps, la porte de la boîte aux lettres reste ouverte alors qu'il y a du courrier dans la boîte. On se permet de sonner chez les voisins pour leur dire que leur boîte est restée ouverte. Ils ne semblent pas être catastrophés. Et ils ne vont pas chercher le courrier non plus... Bon... Voila voila... Enfin, tant que c'est pas notre boite qui est ouverte...
L'autre soir, vers 11h, alors qu'on était à la maison, à regarder la télévision, voilà qu'on entend tambouriner à la porte. De grands coups. Ca résonne sur tout l'étage. Si fort qu'on ne sait pas exactement sur quelle porte sont les coups. Puis le silence. Et des coups de nouveaux. Plus forts. Tant pis pour la série qui passe à la télévision, on se glisse derrière la porte pour voir ce qu'il se passe. Les policiers sont là. La mère aussi. C'est elle qui tape à la porte. Les policiers s'évertuent à la calmer. Elle veut (encore) récupérer l'appartement. C'est elle qui aurait fait appel aux forces de l'ordre pour déloger les personnes qui vivent dans l'appartement. La porte, qui reste obstinément close, finit par s'ouvrir sous l'injonction des policiers. La mère prétend que les loyers n'ont pas été payés (ah, donc les occupants sont des locataires). De manière désordonnée mais que je vais tenter de réorganiser ici, elle veut récupérer ses loyers, ou expulser les occupants. A minuit. A cause de ses occupants, elle serait forcée de squatter tous les jours chez des amis. L'occupante prétend que les loyers ont été régulièrement payés et qu'ils n'ont pas de loyers de retard. Elle prétend qu'elle est régulièrement harcelée par la propriétaire. Les policiers jouent les négociateurs et proposent aux deux harpies de se rendre au poste à la première heure le lendemain pour porter plainte. Chacune.
Le calme est retombé.
Jusqu'à la prochaine tempête.